Te souviens-tu du jour où tu m’as dit : « Tu vas me prendre pour une folle, mais ce voyage me donne de drôles d’envies ». À cette époque, les trains de nuit existaient encore et les filles ne s’épilaient que les jambes. Du moins la grande majorité. Rares étaient celles qui se débarrassaient de leur toison intime. Toi si. Cela ne faisait pas une demi-heure que nous étions dans ce train, deux parfaits inconnus partageant le même espace le temps d’un trajet nocturne intercités, que tu m’avais confié utiliser une recette des femmes de ton pays, à base de miel et de citron. Après avoir cédé à ton invitation de venir te lécher la fente, j’avais dû reconnaître que cela donnait une saveur inégalée à tes chairs ambrées.
Tu étais montée en gare de Narbonne. Moi j’étais sur les rails depuis Marseille et au petit matin, je devais descendre à Bordeaux. Tu as déposé l’étui de ta guitare sur la banquette et je t’ai aidé à hisser ton sac à dos sur le porte-bagages en hauteur. Nous étions seuls dans le compartiment. Le Corail redémarrait déjà dans la nuit et tu as pris place en face de moi. La veilleuse au-dessus de la porte diffusait une faible lumière un peu froide, mais assez pour voir les boucles brunes qui te descendaient jusqu’aux épaules et un petit nez mutin pointant dans l’ovale de ton visage. Tu portais un caftan afghan en cuir sur ton tee-shirt en batik et moi une veste militaire américaine qui n’avait pas connu la guerre du Vietnam.
Je t’ai proposé une cigarette, mais tu as refusé gentiment en précisant que tu ne fumais pas de tabac. « J’ai mieux pour nous si ça te dit ». Et de ta pochette indienne accrochée autour de ton cou, tu as sorti un joli cône déjà roulé et bien dodu. Nous l’avons tété à tour de rôle, en silence et les yeux pleins d’étincelles, tout allait bien.
Le shit te rendait bavarde, moi il m’abrutissait un peu. Je t’écoutais me raconter ton séjour près de Gruissan, sur une plage sauvage où tu étais restée un temps avec une bande de routards la tête remplie de ces idées nouvelles qui bouleversaient l’époque. Feux de camp sur le sable et bains de minuit à toute heure. La nudité n’avait alors rien d’offensant. Sauf que toi, avec ton abricot tout lisse, tu détonnais. Et comparé aux pubis laissés au naturel, ton sillon sans poils ne manquait pas de choquer. À te voir danser sur la plage, nue comme personne, les garçons en perdaient les pédales et les filles rugissaient de rage. Mais toi tu t’en fichais. La nudité du sexe, cela faisait partie de ton histoire. « Chez nous, les femmes le font autant pour la religion que pour l’hygiène. Moi je le fais parce que je m’aime ainsi ».
Ta confidence, lâchée sur un ton des plus naturels, m’a étourdi. Pour moi, un sexe glabre restait une nouveauté difficilement imaginable. Lorsque je te l’ai dit, tu as souri d’un drôle d’air, puis l’air de rien, tu as commencé à me poser des questions plus intimes. Pleinement détendu par le joint que nous avions fini depuis un moment, je n’ai pas tardé à tout te déballer. Sans honte, sans peur, en toute confiance, comme avec une grande sœur que je n’avais pas.
Je te devinais plus âgée que moi, plus expérimentée aussi. En comprenant que mon expérience avec les filles voisinait le zéro, tu as posé ta main sur mon genou en me demandant si j’aimerais essayer. J’ai bafouillé un « bien sûr » empressé et tu m’as proposé de regarder avant de toucher. C’est à ce moment que tu as évoqué les drôles d’envies qui te venaient avec ce voyage.
Ta culotte envolée et ta longue jupe indienne remontée à la taille, tu m’offrais une vue imprenable sur les rebords cuivrés de ton sillon imberbe. Deux petites crêtes de chair rose dépassaient de ta fente et tu m’as encouragé à venir y glisser ma langue.
— Fais comme si tu embrassais une fille sur la bouche, laisse-toi aller, je vais te guider.
Mon air émerveillé disait assez bien combien j’étais subjugué. Une bosse énorme sous la braguette, je suis tombé à genoux entre tes jambes. Tes doigts plongés dans mes cheveux, tu as attiré doucement mon visage vers ta chatte jusqu’à ce que mes lèvres se posent sur les tiennes. Le goût suave et vaguement salé de ton sexe m’a saisi et j’ai su que j’allais adorer ça toute ma vie. Par deux fois tu as joui, et ce devait être fort à en croire l’énergie avec laquelle tu pressais mon crâne entre tes cuisses au moment de l’orgasme.
— Va t’asseoir maintenant, à moi de te faire du bien.
À genoux à ton tour, tu as défait les boutons de mon jeans et lorsque ta bouche s’est emparée de ma queue, j’ai cru que j’allais fondre sur place, me dissoudre dans la fournaise de ton gosier. Comme happé dans un maelström, je perdais pied, le souffle court et les yeux clos. Très vite, je t’ai supplié d’arrêter, je ne voulais pas me répandre sur ta langue. J’avais envie d’être en toi et je te l’ai dit.
Alors tu t’es redressée pour mieux venir t’empaler sur ma tige tendue à l’extrême. Une nouvelle fois j’ai cru que j’allais me liquéfier. Ma bite cajolée par un vagin si chaud, si vivant, c’était une première pour moi. Un goût de paradis qui me faisait frissonner d’émotion, autant que de plaisir.
Tu t’étais assise de côté sur mes cuisses, ton bras autour de mon cou avec ta jupe rabaissée qui te descendait aux chevilles. Je te tenais par la taille et de l’extérieur, nous avions tout l’air de deux amoureux en train de se câliner sagement. C’est bien ce qu’a dû croire le contrôleur quand il est entré dans le compartiment pour réclamer nos billets. Le mien était dans la poche avant de mon treillis et le tien dans ta pochette indienne. Sans changer de position, nous les lui avons tendus pour le coup de poinçon réglementaire. En te rendant le tien, il a dit :
— Vous descendez à Toulouse ? On y sera dans cinq minutes.
Tu l’as remercié et sitôt la porte refermée, nous avons éclaté de rire comme les sales gosses que nous étions et les spasmes de ton ventre mêlés aux miens m’ont fait jouir en douceur. Avant de te relever et de te séparer de moi, tu m’as embrassé sur les lèvres et c’était notre premier baiser. Le dernier aussi.
Ponctuel, le train est entré en gare de Matabiau quelques minutes plus tard et tu as quitté le compartiment en me souhaitant bonne route. Avant de refermer la porte, tu m’as juste dit en souriant :
— Tu peux garder ma culotte, ça te fera un porte-bonheur.
J’ignore bien sûr si tu te rappelles de tout cela. Mais moi oui, je m’en souviens encore.
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